Les oiseaux que l’on regarde, à la mer, à l’abri d’une vitre, font des signes désespérés, du moins nous les croyons tels, car la matière qu’il y a entre nous et eux favorise la dissertation et le songe, et nous désirons voir dans leur géométrie alimentaire ou simplement discursive, une oraison, un doute, une histoire. Le désespoir des grands oiseaux marins est pareil à celui des poètes. Trop loin de nous, dans un azur que nous touchons du doigt et de la pensée, ils ont l’air de n’être que pour nous, pour notre sieste, nos bavardages, notre méditation. Rien n’existe en poésie que ce qu’on veut bien y apporter. La musique des vers comme celle des battements d’ailes est tributaire de l’instant. L’oiseau est prisonnier de son vol. Le poète l’est du sien, je veux dire d’une orthographe, d’une prosodie, du rythme.
L’Art est une prison sans barreaux dont on ne s’évade point : le spleen est un geôlier, la douleur un brouet de larmes, la technique des fers de dentelles.
(Léo Ferré, extrait de sa préface pour Poèmes saturniens de Paul Verlaine © 1961)
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C’est tellement ça…
Cher Léo !
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Oui, j’aime bien qu’il ne s’éloigne pas trop de nous, ainsi, parfois je le ramène à notre souvenir. Merci Anajacy
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