Mois : septembre 2021

La fin des blanches planches

En Pas-de-Calais, sous le ciel opaque de la terre que j’ai nommée Opalie, les chalets de la plage de Blériot se meurent en silence malgré le hurlement de leurs planches.

Dressés pour certains d’entre eux après que les guerres aient cessé, les voilà à présent soumis aux vents violents de la loi « littoral » qui fera, en octobre prochain, pareil au souffle du loup de James Halliwell, place nette de ces fragiles demeures nourries de sable, de sel et de joie d’enfants.

Alors que le sablier s’écoule sur ces rejetons de la diversité et de l’atypie, regardez-les droit dans les planches et vous y verrez un amour sans réserve pour cette mer bousculée qui s’étire devant eux sur le lit de la plage.

Face aux tempêtes du large mais aussi aux tempêtes de la vie, les chalets hébergent, protègent et rassurent comme un membre bienveillant de la famille.

Ici un cœur bat, il a la couleur du flot, un tableau de poésie marine s’efface avec tendresse.

Ce monde fragile, élevé par les galets et les coquillages, s’accroche aux marées, aux lunes d’équinoxe ; il se prépare à des peintures en devenir, à d’autres souvenirs.

Demain des outils motorisés nourris au Diesel passeront la colonie des blanches planches par la pelle mécanique pour rendre à la grève son aspect d’avant les hommes, d’avant les hommes qui vivent là.

Le jugement, dit-on est tombé, désormais sans appel. Les drapeaux flottent, double sens mais unique sentence.

Après ce gommage dans la mémoire des gens d’ici comme s’effacent les anciens graffitis, une ère nouvelle prendra le pas, destinée à rhabiller de neuf la plage d’éléments essentiels au tourisme d’été.

Exit la diversité touchante des chalets de Blériot, place à l’alignement d’une nouvelle génération de cabines toutes de même dessinées, saisonnières suivant la loi, cette loi qui fera d’un lieu unique une banale conformité.

Je ne suis pas enfant d’Opalie ; je viens des frontières de l’est du royaume, mais je vis ici désormais, à Blériot-Plage et j’ai plaisir depuis mon arrivée à la promenade sur le sable des chalets.

J’aime leur proximité, leur visage vers la mer comme autant de phares surveillant l’horizon.

Je confesse n’être pas moins touché par leur fin programmée que par la douleur des familles qui les bâtirent et y vécurent heureux aux heures de détente.

D’aucuns affirment qu’à toute chose progrès est bon. Peut-être…

D’autres expliquent que le passé se doit de céder la place à demain. Sans doute…

En tous cas, au fond de moi, je n’aime pas l’idée du couperet qui ramène au jugement, le jugement à la faute. La faute, ses origines, vaste débat.

Peut-être qu’avant de trancher, il est bon de chercher un compromis entre les émotions du passé et la venue d’une nouvelle vague à surfer.

Je n’ai pas d’autorité en la matière, vaincu comme beaucoup par une civilisation légalisée et complexe. Par ailleurs trop souvent intéressée. Mais je me sens solidaire.

Que restera-t-il demain de ces mots de cœur que le vent érode, marée après marée, sous le regard placide des côtes britanniques dont les accents de thé blanc s’accordent à la planche depuis tout ce temps ?

Pour conclure, un dernier chalet, enfin d’apparence, un chalet au service de toutes et de tous mais qui, pour le sujet qui se tient ici ne sera d’aucun secours.

Who knows ? To be continued…

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©JPT

Illustrations : Jean-Pierre Tondini

Pour plus d’informations : https://www.leschaletscastor.com/